CHAPITRE XXXVIII
Très gravement endommagé, le Gorgone volait si bas au-dessus des boucliers faiblissant du Complexe que Luke manqua baisser la tête par réflexe.
Vu de si près, le destroyer était immense et il fallait des nerfs solides pour ne pas céder à la panique.
– Les boucliers viennent de lâcher, dit un technicien. Nous ne survivrons pas à une nouvelle attaque. De plus, les générateurs sont proches du point critique.
Wedge activa l’intercom et cria ses ordres. Sa voix retentissait dans les bâtiments de tous les astéroïdes du centre de recherches.
– Evacuation immédiate. Tout le monde aux navettes. Il ne reste que quelques minutes…
Les alarmes semblaient hurler plus fort. Luke suivit les hommes qui couraient vers les portes de la salle. Wedge prit le bras fin de Qwi et voulut l’entraîner avec lui. Elle résista.
– Regarde ! cria-t-elle. Que fait Daala ? Non, ça n’est pas possible !
Wedge baissa les yeux sur l’écran qui paraissait hypnotiser Qwi. Des données défilaient, trop vite pour que l’œil pût les identifier. Antilles crut quand même reconnaître des équations et des plans.
– Daala doit connaître le mot de passe du directeur ! expliqua Qwi. Elle est en train de vider les mémoires de sauvegarde. Toutes les informations sur les armes !
Wedge prit Qwi par la taille et l’arracha au terminal.
– On ne peut rien y faire pour le moment. Il faut partir d’ici !
Ils sortirent et suivirent les soldats qui battaient en retraite vers les navettes.
Wedge était tendu à craquer comme si un chronomètre, dans son ventre, avait égrené les secondes qui les séparaient de l’explosion du réacteur ou de la prochaine attaque de Daala. De ces événements, peu importait lequel se produirait en premier, car le résultat serait le même : la destruction totale du Complexe !
Antilles n’avait jamais voulu devenir un foutu général. C’était un bon pilote de chasse, un homme de terrain. Il avait volé aux côtés de Luke lors de la destruction de la première Etoile Noire, et près de Lando Calrissian quand il s’était agi d’anéantir la deuxième.
Jusque-là, sa mission préférée avait été d’escorter l’adorable Qwi Xux. Même effrayée et désorientée, la jeune femme gardait son exotique séduction. Il aurait aimé la prendre dans ses bras pour la réconforter, mais mieux valait remettre ça à plus tard.
S’ils ne sortaient pas de ce piège au plus vite, c’était la mort garantie.
Alors que les fuyards déboulaient dans le hangar, une des navettes se déclara chargée à ras bord.
Wedge sortit son comlink.
– Fichez le camp ! Ne nous attendez pas !
Le groupe dont il faisait partie s’engagea sur la rampe d’accès d’un autre vaisseau de transport. Wedge accéléra le pas, Qwi toujours à ses côtés.
Quand ils furent à l’intérieur, Luke se précipita dans le poste de pilotage. Antilles trouva un siège pour Qwi, s’assura que tout le monde était entré et cria :
– Verrouillez le sas !
Un lieutenant se chargea d’exécuter cet ordre.
Wedge alla prendre place dans le siège du pilote, où il ne se laissa même pas le temps de boucler sa ceinture.
– On décolle, Luke ! Vite !
Les bottes du commander Kratas martelaient le sol de la plate-forme d’observation. Daala se retourna, espérant entendre un rapport encourageant.
Kratas tenta de se composer un visage sérieux, mais il ne put supprimer tout à fait le sourire qui se dessinait sur ses lèvres.
– Transfert terminé, amirale. Nous avons récupéré tous les fichiers de sauvegarde du Complexe. (Il baissa la voix.) Vous aviez raison : le directeur Sivron n’avait pas pris la peine de modifier son mot de passe. Il utilisait celui que vous aviez craqué il y a dix ans.
– Sivron est un artiste de l’incompétence. Agir intelligemment, même une fois, aurait fait tache sur une carrière vouée à la médiocrité.
Daala persiflait, mais la plupart de ses chasseurs Tie étaient détruits, ses turbolasers de proue n’étaient plus qu’un souvenir et ses moteurs tournaient à quarante pour cent de leur puissance maximale.
Mieux valait ne pas mentionner les systèmes en surchauffe, car la liste était trop longue.
La jeune femme n’avait pas prévu que la bataille s’éterniserait ainsi. Elle avait pensé écraser les Rebelles en quelques minutes, puis finir tranquillement de nettoyer le terrain.
Et ce crétin de Sivron, pourquoi n’intervenait-il pas ? Un instant, elle l’imagina en train de présider une réunion et faillit éclater de rire malgré le sérieux du moment.
Une seule consolation : elle avait les données secrètes, un vrai trésor pour l’Empire.
Elle vit les navettes qui quittaient les astéroïdes du Complexe mais jugea que c’étaient des cibles insignifiantes.
– Les boucliers du centre de recherches ont lâché, annonça un lieutenant.
– Parfait, dit Daala. Faites demi-tour. L’heure du coup de grâce a sonné.
– Amirale, intervint Kratas, les senseurs captent une activité nucléaire inhabituelle sur l’astéroïde des générateurs. Ils sont très instables, proches de l’explosion…
Le visage de Daala s’illumina.
– Excellent ! Ce sera notre première cible. Ces générateurs feront peut-être l’essentiel du travail pour nous.
Le Gorgone venait de terminer sa manœuvre, la proue pointant en direction du Complexe.
– Vitesse maximale ! ordonna l’amirale, droite comme un i, les mains croisées dans le dos.
Ses cheveux couleur cuivre cascadaient sur ses épaules comme un flot de lave en fusion.
– Feu à volonté ! Je veux qu’il ne reste rien de ces astéroïdes !
Le destroyer fondit sur sa proie.
Wedge Antilles contacta la flotte de la République sur une fréquence non protégée. Pour l’heure, il n’avait pas de temps à perdre avec les procédures de brouillage. Si les forces impériales réussissaient à déchiffrer son message, elles n’auraient pas loisir d’en tirer parti, tant les choses iraient vite.
– A tous les chasseurs : regroupez-vous et retournez dans le Yavaris. Nous quittons la Gueule. Mission accomplie !
La frégate ressemblait à un grand oiseau prêt à accueillir ses petits sous ses ailes. Les chasseurs X et Y quittaient les uns après les autres le combat pour rentrer au bercail.
Wedge accéléra. Les portes du hangar de la frégate brillaient dans l’espace comme un phare.
Quatre chasseurs Tie prirent en chasse la navette du général. Ils ouvrirent le feu, éprouvant rudement les boucliers.
Avant que Wedge ait pu riposter, une navette d’assaut portant les écussons de l’Empire vint se mêler au combat. A la grande surprise de Luke, elle tira sur les chasseurs Tie, en détruisant un. Stupéfaits, les trois autres essayèrent de dévisser. Deux se percutèrent, le troisième étant lui aussi pulvérisé par une décharge de laser.
Dans les haut-parleurs, Antilles entendit un rugissement qui ne trompait pas. Seul un Wookie pouvait l’avoir poussé.
La voix métallique de Z-6PO se fit entendre.
– Chewbacca, s’il te plaît, arrête de triompher bêtement. Nous ferions mieux de gagner le Yavaris.
Luke se mêla à la « conversation ».
– Bien joué, les gars ! Et merci !
– Maître Luke ! cria 6P0. Que faites-vous donc là, par le ciel ? Savez-vous que nous devons rejoindre la frégate !
– 6PO, c’est exactement ce que nous essayons de faire…
Derrière eux, le Gorgone se précipitait comme un bantha au galop sur le Complexe sans défense. Des langues de feu jaillissaient de ses moteurs tandis que ses turbolasers encore fonctionnels tiraient sans relâche.
Daala portait le coup de grâce avec la rage d’un soldat humilié qui s’acharne sur un adversaire à terre. Si la chose manquait de grandeur, elle n’en avait pas moins une sinistre beauté.
Les uns après les autres, les astéroïdes explosaient comme des fruits trop mûrs.
Le Gorgone piquait à présent tel un chasseur. Daala courait-elle au suicide ?
Si oui, pourquoi ?
Luke et Wedge durent fermer les yeux quand les générateurs du Complexe explosèrent, composant une nova miniature.
L’intensité lumineuse contraignit tous les écrans à passer en veille, car ils n’auraient pas résisté longtemps à ce régime.
Wedge ne s’en fit pas trop, certain que l’ordinateur de navigation les conduirait sans coup férir à bon port.
Quand les écrans se rallumèrent, le général et le Jedi jetèrent un coup d’œil sur le carnage.
Il ne restait rien du Complexe, sinon des débris qui seraient tôt où tard avalés par les trous noirs.
Les deux hommes ne virent pas trace non plus du Gorgone.